Seconde Guerre Mondiale 1939 - 1945

- AUSCHWITZ - Camp d'extermination - 1944 -

Le 27 avril 1944, Pierre Johnson quitte le camp de transit de Royallieu, pour le camp de la mort d'Auschwitz-Birkenau. Après 4 jours et 3 nuits ininterrompus de voyage, entassés par 200 dans des wagons à bestiaux, c'est le terminus en gare d'Auschwitz le 1er mai 1944. Encore 2 km à pied et Pierre Johnson franchit les portes du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau.

Riems RobespierreCompiègne-Royallieu

La destin funeste du "convoi Pucheu" ayant été, après tractations, commué en travaux forcés, le temps pour les Allemands de s'organiser et les formalités d'usage se poursuivent, en particulier, le tatouage. Contrairement aux autres camps qui attribuent un matricule administratif sur un "registre des entrées", ensuite transcrit sur la veste ou le pantalon, à Auschwitz, le matricule est à la fois porté sur le registre des entrées mais également tatoué sur le bras par un détenu réquisitionné. Heureusement, car ceux qui ne sont pas tatoués sont directement envoyés à la chambre à gaz. Une série de numéro allant de 184936 à 186590 est affectée aux nouveaux arrivants, série suivant l'ordre alphabétique, ce qui représente 1655 détenus arrivés vivants pour 1760 partis de Royallieu, 105 sont morts pendant le voyage ou fusillés à l'arrivée pour tentative d'évasion. Pierre Johnson est tatoué 185785. (Voir page 93 du livre)

Extrait de l'interrogatoire de Pierre Johnson le 10 mai 1945 à Dachau avant son rapatriement pour la France

Tout d'abord c'est quoi un CAMP D'EXTERMINATION ?

A cette époque nous trouvons trois sortes de camps Allemands dans l'Europe occupée :

    1. Les camps de prisonniers de guerre, voir le chapitre Stalag II - Neubrandenburg, où sont emprisonnés les militaires protégés par la Convention de Genève.
    2. Les camps de concentration, voir les chapitres Buchenwald, Dachau, Flossenbürg, où sont concentré les déportés destinés aux travaux forcés
    3. Les camps d'extermination où sont exterminés par le gaz, les armes ou la pendaison les déportés répondant à certains critères.

Le principal critère d'Hitler est la sauvegarde d'une race dite "supérieure", il programme d'exterminer tous les individus qui ne correspondent pas à la race aryenne considérée supérieure ou qui s'opposeraient aux volontés du Reich. Il décide d'exterminer massivement Juifs, Tziganes, prisonniers de guerre ou politiques, handicapés physiques et mentaux, homosexuels entre autres par un système qui permet de tuer en un minimum de temps un maximum d'indésirables.

« La race aryenne nordique est la détentrice de toute culture, la vraie représentante de toute l'humanité, et c'est par application divine que le peuple allemand doit maintenir sa pureté raciale. La race germanique est supérieure à toutes les autres et la lutte contre l'étranger, contre le Juif, contre le Slave, contre les races inférieures est sainte. » Adolf Hitler, Mein Kampf

En 1939, les premières exterminations se font dans des "camions à gaz" sorte de camions de déménagements dans lesquels les victimes sont entassées puis tuées par le gaz. Le système itinérant permet d'aller récupérer les futures victimes là où elles se trouvent, essentiellement dans les hôpitaux psychiatriques. L'expérience est concluante mais ne permet pas d'exterminer aussi massivement qu'Hitler le voudrait.

En 1941 les nazis construisent les premiers camps d'exterminations fixes. Les victimes sont transportées en wagons à bestiaux jusqu'au camp d'extermination, puis, sous prétexte d'aller prendre une douche collective, elles sont conduites dans un local où elles sont massivement toutes gazées. Cette invention diabolique comporte deux avantages : le premier est de tuer à l'échelon industriel, le deuxième est de tuer dans le plus grand secret. Les camions itinérant étaient mal vus de la population, en particulier de la population luthérienne et calviniste très répandue en Allemagne, cette tuerie industrielle ignorée du monde extérieur sert parfaitement les ambitions du IIIème Reich.

Ainsi fonctionnent pas moins de 6 camps, tous en Pologne, qui exterminent par le gaz entre 3 et 5 millions d'hommes, de femmes et d'enfants essentiellement Juifs de 1941 à 1945 : Auschwitz II-Birkenau, Belzec, Chelmno, Maïdanek, Treblinka, Sobibor.

Les historiens s'accordent à dire, que jamais de tels procédés d'extermination à la chaîne n'ont été mis au place, même lors des plus horribles méfaits connus du Haut-Moyen Âge. L'escalade de l'horreur est au paroxysme durant la Seconde Guerre Mondiale, on parle alors de crime contre l'humanité.

Histoire du camp d'AUSCHWITZ

AUSCHWITZ est la traduction allemande d'OSWIECIM village situé au sud de la Pologne, dont le nom apparaît au début du XIIème siècle.

1er septembre 1939 l'Allemagne envahit la Pologne, ce qui va provoquer l'entrée en guerre de la France entre autres conséquences et la mobilisation de Pierre Johnson le 3 septembre 1939. Le mois suivant, octobre 1939, toute la partie Ouest de la Pologne dont Auschwitz est annexée à l'Allemagne, deux ans plus tard, 1941, c'est toute la Pologne qui sera annexée, la Seconde Guerre Mondiale est en marche et Pierre Johnson s'évade du Stalag II A au mois de juillet 1941 pour entrer en Résistance le 15 décembre 1941.

Dès 1940, le territoire d'Auschwitz devient un immense complexe constitué de 3 camps principaux et plus de 50 camps annexes et commandos extérieurs (Altdorf , Althammer, Babice, Bauzug, Beruna, Bismarckhütte, Blechhammer, Bobrek, Budy, Brunn, Charlottengrubbe, Chelmek, Chorzow, Chrzanow, Czernica, Ernforst, Ernfort-Slawecice, Eintrachthutte, Freudenthal, Furstengrabe, Gleiwitz I, II, II, IV, Golleschau, Gunthergrubbe, Harmeze, Hindenburg, Hubertushutte-Hohenlinde, Janigagrube-Hoffnung, Jawichowitz, Kobio, Lagischa, Laurahutte, Lepziny-Lawki, Lesslau-Wloclawek, Libiaz-Maly, Lukow, Monowitz, Myslowice, Neu Dachs, Neustadt, Sosnowitz I et II, Trezbinia, Tscechwitz, Harmeze, Plawy, Rajsko, Rybnik, Rydultowy, Siemiennowice, Wloklawek-lesslan, Zasole, Zittau).

AUSCHWITZ I - STAMMLAGER

MAI 1940 : ouverture du camp d'Auschwitz-Stammlager près d'Oswiecim. Formé de baraquements abandonnés de l'artillerie polonaise restaurés et de nouveaux baraquements construits par les prisonniers, le camp s'étend sur 32 hectares avec une capacité d'accueil de 20 000 déportés. Il s'agit essentiellement d'un camp de concentration de prisonniers destinés aux travaux forcés dans les mines et usines avoisinantes. Néanmoins une chambre à gaz y est également installée.

AUSCHWITZ II - BIRKENAU

OCTOBRE 1941 : ouverture du camp d'Auschwitz-Birkenau près de Brzezinka à moins de 3 km du premier camp. Il s'étend sur 170 hectares avec une capacité d'accueil de 100 000 déportés (l'équivalent de la population de la ville de Caen en France). Il s'agit à la fois d'un camp de concentration de prisonniers destinés aux travaux forcés dans les mines et usines avoisinantes mais également du premier camp d'extermination massive avec six "chambres à gaz-crématoires".

AUSCHWITZ III - MONOWITZ

MAI 1942 : ouverture du camp d'Auschwitz-Monowitz près de Monowice, distant de 7 km du premier camp. Avec une capacité d'accueil de 12 000 déportés, il s'agit essentiellement d'un camp de concentration de prisonniers destinés aux travaux forcés à l'usine de caoutchouc synthétique de Buna.

Matricule 185785

Pourquoi Auschwitz est-il le seul camp où les prisonniers destinés aux travaux forcés sont tatoués sur l'avant bras gauche ?
Auschwitz est le plus grand camp de concentration nazi où travaillent plus de 130 000 prisonniers dans des conditions telles que le taux de mortalité atteint 90 % sur certains chantiers, en outre, nombreux sont les cadavres méconnaissables. Face à cette situation le commandement du camp décide, au cours de l'hiver 1941, de mettre en place un système de marquage indélébile des matricules sur le corps des détenus. Plusieurs formules sont testées, c'est finalement le tatouage qui sera retenu. Ainsi un cadavre même méconnaissable peut toujours être identifié pour mettre à jour les statistiques morbides des nazis.

A Auschwitz-Birkenau, en ce début du mois de mai 1944, Pierre Johnson est donc tatoué à l'encre bleue par un déporté réquisitionné. Chaque chiffre, 1, puis 8, puis 5, puis 7, puis 8 et enfin 5, est inscrit à la pointe d'une aiguille malhabile qui injecte l'encre sous la peau. Quelques jours plus tard 185785 apparaît nettement, le temps que le bras, gonflé et noirci, retrouve sa forme normale.

Ce marquage comme du bétail va traumatiser à vie mon pauvre père.

Vers l'âge de 7 ou 8 ans je réalise à quel point ce tatouage a marqué mon père, lorsque me promenant sur la plage, lors de vacances d'été, je lui demande bien innocemment : "Dis Poupa c'est quoi ce numéro que tu as sur la bras ?", il me répond sur un ton chargé de tristesse : "C'est une longue histoire qui ne regarde pas les petites filles, je t'expliquerai plus tard...". J'avais hâte de grandir pour arriver à "plus tard". Mon père ne portait jamais de chemises à manches courtes et encore moins de tee-shirt, toujours en chemise dont les manches, jamais retroussées, couvraient ses bras jusqu'au poignet même durant les journées caniculaires d'été à Paris, même dans l'intimité de la vie de famille. Et "plus tard" j'ai appris la douloureuse histoire d'une tranche de vie brisée.

Vers la fin de sa vie on lui propose de photographier son bras pour garder la mémoire de son matricule. Lorsque mon père me parla de cette démarche, je compris ce qu'il avait pu ressentir. Pour lui c'était une véritable violation et le devoir de Mémoire ne passait surtout pas par ce genre d'outrance. Au nom du "devoir de mémoire" certains considèrent que la fin justifie les moyens, sans mesurer les conséquences psychologiques de leurs démarches. Mon père n'a jamais hésité à venir témoigner dans les collèges, les lycées, les universités, les associations, mais là c'était trop lui demander surtout en fin de vie.


Déporté politique français

Pierre Johnson reçoit également la tenue réglementaire, veste rayée, pantalon et calot assortis, qu'il enfile après avoir été dépouillé de tous ses effets personnels, après avoir été rasé de la tête aux pieds et après être passé au block de désinfection.

Il faut savoir que les déportés restent intégralement nus à attendre leur tour pendant plusieurs dizaines d'heures, à l'extérieur des baraquements, jour et nuit, quelque soit le temps, avant d'enfiler l'uniforme. De A à Z, la survie des dernières lettres est précaire en hiver. Au mois de mai, Pierre Johnson est au milieu de la liste, il est le 850ème appelé une dernière fois par son nom, dorénavant il s'appelle 185785.

Sur la veste rayée un triangle rouge est cousu pointe en bas avec la lettre F au centre, signe distinctif des déportés politiques français. Il portera cet uniforme informe jusqu'à son rapatriement à Paris au mois de mai 1945 après la libération du camp de Dachau par l'armée américaine.

J'ai conservé son calot qu'il a gardé jusqu'à sa mort le 22 septembre 1996. (Voir page 136 du livre)


Calot déporté Pierre Johnson

La particularité de AUSCHWITZ-BIRKENAU


Entrée du camp vue de l'intérieur - Gallery Auschwitz-Birkenau-Museum

BIRKENAU est la traduction allemande de BRZEZINKA village situé au sud de la Pologne, dont le nom apparaît au XIVème siècle.

Début octobre 1941, dans une zone marécageuse à proximité du village, les Allemands entament la construction d'un nouveau camp avec des prisonniers Russes réquisitionnés. Appelé Auschwitz-Birkenau il est le plus grand camp d'extermination et de concentration, édifié par les nazis. Plus d'un million d'hommes, de femmes et d'enfants, essentiellement juifs y sont exterminés par le gaz, un stock tournant de plus de 100 000 déportés livre les esclaves dans les fermes, usines, mines et autres activités des 50 commandos extérieurs, la majorité meurt sur place d'épuisement ou de mauvais traitements.

Parmi les nombreux plans téléchargeables sur internet c'est celui présenté en 3D par des élèves de 3ème de l'académie de Lyon qui me semble le plus représentatif. On imagine l'ampleur de l'horreur nazie dès l'entrée du camp bien reconnaissable par l'accès direct des lignes de chemin de fer :

  • à l'extérieur, sur fond rouge, le commandement du camp "komandantur" et casernement des S. S.
  • tout au tour du camp se dressent deux rangées de barbelés électrifiés et des dizaines de miradors où veillent les sentinelles armées, prêtent à tirer sans sommation,
  • l'immense domaine comprend deux entrées dont l'une sous un porche surmonté d'un mirador :
    • Jusqu'au mois de mai 1944 les déportés arrivent en gare d'Auschwitz puis finissent le parcours à pied où en camion pour les invalides jusqu'au camp.
    • A partir de mai 1944, les trains arrivent directement sur 3 voies aménagées à l'intérieur du camp.
    • A la descente du train, dès 1941 les hommes sont séparés des femmes et des enfants. Les hommes et les femmes valides de 18 à 40 ans sont soumis à l'esclavage, tous les autres sont immédiatement gazés. Je ne peux m'empêcher de vous faire partager une des rares confidences de mon père "... j'ai assisté à l'arrivée d'un convoi de Juifs, avec, comme d'habitude, la séparation des hommes et des femmes avec leurs enfants, un petit garçon de 5 ou 6 ans a voulu s'échapper des bras de sa mère pour rejoindre son père, il a été fusillé sur place devant le regard terrifié de ses parents..."
  • à l'intérieur du camp, sur fond jaune, les baraquements où sont logés les déportés tatoués, venus de toute l'Europe, destinés aux travaux forcés. Cette partie du camp est divisée en plusieurs zones séparées de fils de fer barbelés électrifiés : zone des femmes, zone des tziganes, zone des juifs, zone des hommes, zone de quarantaine etc... A droite une extension du camp qui ne sera jamais achevée mais où seront également entassés des déportés destinés aux travaux forcés.
  • à gauche prêt de l'entrée, sur fond turquoise, l'hôpital où les déportés sont soumis aux expérimentations médicales des médecins nazis, (dans un autre camp Pierre Johnson subira aussi ces expérimentations, voir page 96 du livre)
  • après la zone des baraquements de déportés, sur fond bleu se trouve l'infirmerie,
  • après l'infirmerie sur fond orange les baraques où sont entreposés valises, lunettes, bijoux, chaussures, dents en or, dentiers et autres objets personnels volés aux déportés dès la descente du train. Une équipe de prisonniers est chargée de trier les objets à expédier en Allemagne pour la revente, cet endroit est appelé "canada" dans le langage des camps. Après son rapatriement, à la demande des autorités françaises, Pierre Johnson fournira la "liste des objets volés", même son alliance figure sur cette liste.
  • dans le prolongement du "canada", sur fond blanc, le baraquement appelé "sauna central". Les déportés destinés aux travaux forcés entrent dans une pièce pour se déshabiller, puis dans une immense salle pour y être douchés à coup de jets d'eau chaude suivis de jets d'eau glacée et passent ensuite dans une salle équipée de gradins pour sécher d'où le nom de "sauna central". Après cette opération de nettoyage, ils sont intégralement rasés de la tête aux pieds. Toutes les femmes qu'elles soient destinées aux travaux forcés ou à la chambre à gaz sont rasées pour leurs cheveux longs destinés à une utilisation industrielle ordonnée par Glücks, SS-Brigadeführer et General-Major de la Waffen-SS dans une ordonnance du 6 août 1942 : "Le chef de l'Office Central SS pour l'Économie et l'Administration a ordonné de récupérer les cheveux humains dans tous les camps de concentration. Les cheveux humains seront transformés en feutre industriel, après avoir été bobinés en fils. Dépeignés et coupés, les cheveux de femmes permettent de fabriquer des pantoufles pour les équipages des sous-marins, et des bas en feutre pour la Reichsbahn. Il est ordonné par conséquent de conserver, après les avoir désinfectés, les cheveux coupés des détenues femmes..."
  • à l'extrémité du camp, sur fond noir, les chambres à gaz :
    • fin 1941 deux fermes situées en haut à droite du plan sont aménagées en chambre à gaz. Chaque local peut gazer jusqu'à 900 hommes, femmes et enfants simultanément, le rendement des fours crématoires ne permettant pas de brûler les corps aussi rapidement que les S. S. le voudraient, d'immenses fausses communes sont creusées dans lesquelles les cadavres empilés sont brûlés à ciel ouvert.
    • printemps 1943, en haut à gauche du plan, inauguration de quatre chambres à gaz, doublées de fours crématoires, ultra modernes ces chambres à gaz permettent de gazer au Zyklon B plus de 4000 victimes simultanément en 20 minutes. Ces nouvelles chambres à gaz fonctionnent sans interruption jusqu'en novembre 1944.

12 mai 1944
matricule 185785, alias Pierre Johnson, est transféré au camp de
Buschenwald

Janvier 1945, à l'approche des troupes soviétiques les S. S. détruisent en partie les chambres à gaz, évacuent les prisonniers par des marches forcées appelées "marches de la mort", les prisonniers qui ne marchent assez vite sont tués sur place, d'autres meurent sur la route d'épuisement et de froid.

Le 27 janvier 1945, les troupes soviétiques entrent dans le camps d'Auschwitz-Birkenau et libérèrent environ 7 000 déportés restants.

AUSCHWITZ-BIRKENAU témoignages

Je voudrais terminer ce chapitre par ces trois témoignages qui résument en quelques mots, ce qu'il est impossible à décrire si on ne l'a pas vécu, impossible à croire si on n'a pas côtoyé de près ceux qui l'on vécu et vibré à l'écoute de leurs témoignages intimes comme j'ai pu vibrer à l'écoute des rares confidences de mon père matricule 185785.

Marie-Claude Vaillant-Couturier (1912-1996), résistante française déportée à Auschwitz-Birkenau le 24 janvier 1943 matricule 31685 :
"...Comment parler de la déportation ? (...) Tout était pire que ce que nous pouvons raconter. Les mots ne rendent qu'une partie de la réalité. Ils ne rendent pas compte de la durée du temps écoulé car dans les camps les plus durs on se demandait chaque soir si on aurait la force de revivre le lendemain. (...) Les mots peuvent-ils réellement montrer l'inconcevable ? Pourtant il nous faut témoigner et témoigner encore." Extrait de la préface au Grand Livre des Témoins, Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes, Ramsay, 1995.

Simone Veil née à Nice en 1927, juive française déportée à Auschwitz-Birkenau le 15 avril 1944 matricule 78651 :
"...Vaille que vaille, nous nous faisions à l'effroyable ambiance qui régnait dans le camp, la pestilence des corps brûlés, la fumée qui obscurcissait le ciel en permanence, la boue partout, l'humidité pénétrante des marais. (...) Pour nous, les filles de Birkenau, ce fut peut-être l'arrivée des Hongrois qui donna la véritable mesure du cauchemar dans lequel nous étions plongées. L'industrie du massacre atteignit alors des sommets: plus de quatre cent mille personnes furent exterminées en moins de trois mois. (...) Je voyais ces centaines de malheureux descendre du train, aussi démunis et hagards que nous, quelques semaines plus tôt. La plupart étaient directement envoyés à la chambre à gaz. (...) " Extrait du livre autobiographie "Une vie", Stock, 2007.

Filip Müller (1922-2013), juif tchèque déporté à Auschwitz-Birkenau le 13 avril 1942 matricule 29236 :
"...Nous étions au secret quand survinrent quelques SS qui nous escortèrent par une des rues du camp. (...) M'est apparu soudain un bâtiment (...) plat avec une cheminée. Sur l'arrière, j'ai vu une entrée, j'ignorais où l'on nous menait. Je croyais qu'on allait nous exécuter. (...) Et nous nous sommes retrouvés dans un corridor.(...) Aussitôt, la puanteur, la fumée m'ont suffoqué. Nous avons couru encore et alors j'ai distingué les contours des deux premiers fours. Et entre les fours s'activaient quelques détenus juifs. Nous nous trouvions dans la salle d'incinération du crématoire du camp 1 d'Auschwitz. Et de là on nous a poussés vers une autre salle. Et nous avons reçu l'ordre de dévêtir les cadavres. Je regarde autour de moi, il y a des centaines de corps. Ils étaient habillés. Entre les cadavres, pêle-mêle, des valises, des paquets et, disséminés un peu partout, d'étranges cristaux bleu-violet. Mais tout m'était incompréhensible. C'est comme un choc à la tête, comme si vous étiez foudroyé. Je ne savais même pas où je me trouvais ! Et comment était-il possible de tuer tant de gens à la fois ! Nous en avions déjà dévêtu quelques-uns, quand l'ordre fut donné d'alimenter les fours. Soudain un Unterscharführer se rua vers moi et me dit : "Sors d'ici, va remuer les cadavres !" Mais que signifiait "remuer les cadavres" ? Je suis entré dans la salle de crémation. Il y avait un détenu juif (...) et j'ai vu comment il fourgonnait le four avec une grande tige. (...) J'étais à ce moment là en état de choc, comme hypnotisé, prêt à exécuter tout ce qui m'était commandé." Extrait de "Trois ans dans une chambre à gaz d'Auschwitz", Pygmalion/Gérard Watelet, 1980.

MÉMOIRE
Après la libération Auschwitz reste abandonné pendant deux ans.

MÉMOIRE des TÉMOINS ASSOCIÉS

1945 en France, dès le rapatriement des déportés survivants du camps d'Auschwitz, 2500 hommes et femmes, tout juste de retour dans leurs foyers, créent l'Amicale des Déportés d’Auschwitz et des Camps de Haute-Silésie afin que l'on n'oublie jamais que 97 % des déportés français sont morts dans le camp d'extermination dans des conditions inimaginables. Les déportés rassemblés en Amicale, dont Pierre Johnson faisait partie, veulent apporter leur témoignage aux nouvelles générations avec l'espoir de préserver l'avenir. Cette initiative ne sera pas du goût de tout le monde et en particulier du gouvernement français en place après la guerre.
Extrait de la cession du 24 janvier 1955 à l'Assemblée Nationale :
" Madame Rabaté demande à Monsieur le ministre de l'Intérieur :
1° - en vertu de quels textes Monsieur le préfet de la Seine a été amené, en date du 31 décembre 1953, à décider "d'inviter les maires des arrondissements de Paris à refuser désormais toute concession de salles" aux amicales de déportés politiques (d'Auschwitz, Birkenau et des camps de Haute-Silisie), 16 rue Leroux, sous prétexte que, lors de réunions intérieures de ces association, "des discours à caractère politique" auraient été prononcés, comme s'il est possible aux associations d'anciens déportés de ne pas être amenées à traiter de problèmes qui s'imposent aux préoccupations de tous les Français et plus particulièrement aux anciens déportés et internés et aux familles des disparus ;
2° - Quelles mesures il envisage pour que soit rapportée la mesure prise par Monsieur le préfet de la Seine.
"

En 1958, Pierre Johnson lance un appel pour créer une association regroupant les compagnons rescapés du convoi du 27 avril 1944. L'année suivante Pierre Johnson et Léon Hoebecke créent "l'Amical des Déportés Tatoués du 27 avril 1944" le 25 avril 1959, réunissant 88 compagnons.

Dans chaque pays touché par la déportation et l'extermination de ses compatriotes, de nombreuses associations à la mémoire d'Auschwitz ont vu le jour, et c'est tant mieux, car la mémoire est faite pour être perdue. Chaque association créée, chaque livre publié, chaque témoignage de déporté toujours en vie aujourd'hui préserve encore un peu la paix fragile retrouvée. Hélas, depuis plus de 70 ans que les camps sont libérés, les déportés disparaissent peu à peu, Pierre Johnson est mort en 1996, la plupart de ses compagnons ne sont plus là pour témoigner, il faut être vigilant afin que ces associations ne finissent pas instrumentalisées.

MÉMOIRE MUSÉE

En Pologne, d'anciens détenus Polonais organisent la "Préservation Permanente du Camp d’Auschwitz"
14 juin 1947 : présentation d'une première exposition à laquelle assiste 50 000 personnes essentiellement des Polonais, mais également des délégations de l’ambassade de Grande-Bretagne, de Tchécoslovaquie et de France
2 juillet 1947 : le Parlement Polonais décide de faire d'Auschwitz un musée à la mémoire des victimes sur 191 hectares : 20 hectares sur le site d'Auschwitz-Stammlager et 171 hectares sur le site d'Auschwitz-Birkenau


Gallery Auschwitz-Birkenau-Museum

1960 : chaque pays concerné par la déportation à Auschwitz organise une "exposition nationale"
1967 : inauguration d'un mémorial international avec 21 dalles portant la même inscription en relief dans la langue du pays d'origine.

« Que ce lieu où les nazis ont assassiné un million et demi d'hommes, de femmes et d'enfants, en majorité des Juifs de divers pays d'Europe, soit à jamais pour l'humanité un cri de désespoir et un avertissement.
Auschwitz-Birkenau 1940-1945
»

1979 : Auschwitz-Birkenau fait partie du patrimoine mondial de l'UNESCO.
1999 : le musée s'appelle "Musée d'État d'Auschwitz-Birkenau à Oswiecim"

Si les premières décennies furent conflictuelles entre politiques et religieux, à propos de l'aménagement du lieu historique, aujourd'hui le site d'Auschwitz propose à la fois la découverte universelle du camp par des visites guidées mais également des expositions permanentes, conférences, projections filmées entre autres.

Site internet Auschwitz-Birkenau mémorial and museum : http://auschwitz.org/

ANTI-MÉMOIRE

NÉGATIONISME : « Les camps d'extermination n'ont jamais existé »
Dès le lendemain de la Libération des groupements d'extrême droite et d'extrême gauche, des nostalgiques des thèses nazies, échafaudent des théories visant à nier la réalité des exterminations par chambre à gaz. Ces thèses seront de surcroît soutenues jusqu'en 1980, par des professeurs d'université, qui, sans rencontrer d'opposition, les diffusent auprès des étudiants, en particulier à l'université de Lyon.

Dossier mis en ligne par l'Académie de Reims :
La nécessité d'affirmer la véracité et la singularité du génocide perpétré par les nazis face aux négationnistes.

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